Antisémitisme et « Grand remplacement » en centre Bretagne

Published by

on

Depuis plusieurs mois, le village de Callac, en centre-Bretagne, est en ébullition. La municipalité compte en effet, avec le soutien de la fondation Merci, redynamiser le bourg par l’accueil de quelques familles de réfugiés. Le projet, dénommé « Horizon », se déroulerait de manière progressive sur plusieurs années et semble prendre en compte les soixante-quinze emplois vacants du village recensés par la mairie (le centre Bretagne connaît en effet une pénurie de salarié.e.s dans certains secteurs, comme l’aide à l’enfance) ainsi que les besoins en logement et en service qu’il pourrait entraîner (l’ouverture d’une crèche a par exemple été prévue dans l’ancienne école). Nous sommes donc dans une démarche caritative en réalité plus proche de « l’immigration choisie » défendue par la droite il y a quelques années que de l’accueil inconditionnel des immigré.e.s.

Mais ce projet va encore trop loin pour l’extrême droite, qui y voit la preuve du pseudo-« Grand Remplacement » et prétend craindre la constitution d’un « État dans l’État » en centre Bretagne, comme le déclarait la porte-parole d’un groupe d’opposition dans la presse locale. Des rassemblements contre le projet ont été organisés, rameutant une grande partie de l’extrême droite bretonne dans le petit village, et certaines personnalités de renommée nationale comme Guillaume Peltier ont fait le déplacement. Comme la fondation Merci est dirigée par Mme Cohen, qui porte un nom juif, les pires discours antisémites viennent s’y mêler, de manière plus ou moins assumée. Quelques exemples :

– Un article de Riposte Laïque dénonce ainsi la « riche famille Cohen », « appartenant à l’élite mondialisée ». L’article précise ensuite de manière menaçante que si l’antisémitisme français « ne produit aucun effet », le fait que l’initiative émane d’une famille juive « pourrait susciter de brusques réveils ».

– Un texte sur Agora Vox évoque de manière plus sous entendue « l’offre d’asile des Cohen, négociants voulant faire le bien après avoir fait fortune ».                

– Le Parti de la France écrit que la famille Cohen a « fait fortune en France et remercie ce pays à sa façon », comme si, étant Juive, elle devait forcément quelque chose à un pays qui ne saurait être le sien.

– La palme de l’antisémitisme revient ici au site suprémaciste blanc Démocratie Participative qui dénonce « une colonie négro-islamique littéralement financée par les juifs pour anéantir la race blanche ».

Ces exemples viennent l’illustrer : la théorie du « Grand Remplacement » repose sur une base antisémite. En effet, selon cette thèse, un pseudo-changement de population serait organisé dans le but de faire disparaitre le « peuple français », ce qui supposerait qu’une conspiration soit à l’œuvre et contrôle dans l’ombre la politique française. Pour l’extrême droite antisémite, seuls les Juives et les Juifs (parfois édulcorés en « finance cosmopolite » ou autre « élite mondialisée ») peuvent être à l’œuvre derrière un tel complot. Avant que Renaud Camus ne lui donne une nouvelle jeunesse, cette théorie fût formulée par l’antidreyfusard Maurice Barrès et par l’antisémite Charles Maurras, puis reprise après la Seconde Guerre mondiale par René Binet, ancien combattant de la SS Charlemagne qui milita ensuite dans plusieurs groupes néo-nazis, trois personnalités dont la pensée politique fût vertébrée par l’antisémitisme.

Il est primordial pour les Juifs et les Juives de ne pas l’oublier : l’extrême droite est notre ennemie et l’ennemie de toutes les minorités, elle doit être combattue.

Laisser un commentaire